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jmbarga

3 Nouvellistes Russes Classiques à (re) Lire Sans Tarder

April 25, 2023 by jmbarga

On entre dans les nouvelles de certains auteurs russes classiques comme si on était en territoire connu. Drôle d’effet de lire et se retrouver presqu’instantanément dans des histoires et dans des personnages d’une époque et d’une géographie bien lointaines.

C’est que les péripéties qui se déroulent au fil des pages dans les villes et dans les campagnes ainsi que les personnages qui se meuvent avec vivacité semblent avoir quelques traits communs avec certaines aventures – parfois rocambolesques, que l’on vit au jour le jour dans nos propres contrées.

 En cela, il nous est loisible en tout lieu et en tout temps de revisiter les grands classiques russes de la nouvelle.

1-ANTON TCHEKHOV

Dans sa nouvelle intitulée « Les Trois roses jaunes », le nouvelliste américain et virtuose du genre Raymond Carver raconte les derniers moments de la vie d’Anton Tchekhov, écrivain russe majeur et l’un des maîtres dans l’écriture des nouvelles. Cet hommage montre sans doute toute l’influence que l’auteur russe a eue sur le genre littéraire qu’il a manié avec dextérité, à l’instar de plusieurs autres de ses compatriotes devenus des classiques.

Tchekhov peint avec finesse les personnages et décrit avec splendeur les paysages de sa Russie profonde. Le médecin a disséqué pendant que le poète faisait la peinture. Et la vie se déploie simplement dans les nombreuses histoires grâce aux innombrables créatures qui les peuplent.

Où l’on peut voir aussi ce que Carver a sans doute apprécié chez Tchekhov : le fait de dire les choses sans vraiment les nommer. L’auteur américain a excellé dans cet art de la nouvelle incisive, de l’économie des mots et de la retenue.

EXTRAIT DE LA NOUVELLE ‘‘LA SALLE N° 6’’ :

– [Gromov] Oui, je suis malade. Mais des dizaines, des centaines de fous se promènent en liberté, parce que votre ignorance est incapable de les distinguer des gens sains d’esprit. Pourquoi donc dois-je, ainsi que ces malheureux, demeurer ici pour tous les autres, comme des boucs émissaires ? Vous, l’aide-médecin, l’intendant et toute la racaille hospitalière, vous êtes, du point de vue moral, infiniment en dessous de n’importe lequel d’entre nous, pourquoi est-ce nous qui sommes privés de liberté, et pas vous ? Quelle logique est-ce là ?

— [Dr Raguine] Le point de vue moral et la logique n’ont rien à voir ici. Tout dépend du hasard. Celui qu’on a enfermé reste enfermé, celui qu’on a laissé en liberté se promène, voilà tout. Il n’y a rien de moral, ni aucune logique, dans le fait que je sois un médecin, et vous un aliéné, c’est une pure contingence.

2. IVAN TOURGUENIEV

On dit de Tourgueniev qu’il est le plus Français des écrivains russes puisqu’il a vécu pendant plus de 20 ans en France, et ce, jusqu’à sa mort. Il peut y avoir un certain paradoxe à vivre à l’étranger et à avoir une plume viscéralement attachée à son pays d’origine dans ses écrits.

Rien de surprenant à cela, toutefois, de nombreux auteurs, par choix ou par contrainte, se sont retrouvés hors des frontières de leur pays. Pourtant, il n’était question dans leurs écrits que de leur pays d’origine (Mongo Beti passa par exemple 32 ans d’exil en France et toutes les intrigues de ses œuvres de fiction étaient situées au Cameroun).

Ce qui m’a tout de suite marqué lors de mon premier contact avec les nouvelles de Tourgueniev, c’est son habileté à décrire la nature et sa sensibilité envers celle-ci. C’est notamment le cas dans les histoires constituant le recueil ‘Mémoires d’un chasseur’, où en plus d’idéaliser la vie paysanne, les activités bucoliques apparaissent bien plaisantes, et même idylliques.

Il y a du reste tout au long de ce recueil, çà et là, des pépites dans les descriptions des paysages et des personnes, de leurs contacts et de leurs interactions avec la terre nourricière. Tourgueniev rejoint donc admirablement Tchekhov dans la merveilleuse description des perspectives et des panoramas russes.

Ah ! Comme il est rafraîchissant de déambuler dans les paysages d’Ivan Tourgueniev et d’y rencontrer, au détour au détour de la satire, des personnages vifs avec leurs mots et leurs maux du quotidien.

EXTRAIT DE LA NOUVELLE ‘‘DEUX GENTILSHOMMES CAMPAGNARDS’’ :

“Mais revenons à Viatcheslav Ilarionovitch. C’est un redoutable amateur du beau sexe. À peine aperçoit-il sur le boulevard du chef-lieu une jolie personne, il la suit, mais presque aussitôt il se met à boiter, circonstance très particulière. Il aime les cartes, mais il ne joue qu’avec des gens de condition inférieure, qui lui disent : « Votre Excellence » et qu’il gronde à cœur joie. Mais s’il lui arrive de faire la partie du gouverneur ou de quelque haut fonctionnaire, une prodigieuse métamorphose s’opère en lui. Il sourit, hoche la tête, regarde son partenaire dans les yeux, en un mot il sent le miel. Il perd même sans se plaindre.”

3 – NICOLAS GOGOL

À ses débuts, Gogol est présenté à Alexandre Pouchkine qui l’encourage à écrire. Plus tard, ce dernier lui fournit même quelques sujets auxquels va se consacrer Gogol (Le Revizor, Les Âmes mortes). Alexandre Pouchkine est l’arrière-petit-fils d’Abraham Hannibal et Dieudonné Gnammankou a démontré qu’il était né dans le Logone-Birni, au Cameroun…

Quand on plonge dans les nouvelles de Gogol, on se retrouve assez vite dans un univers burlesque dans lequel bien des personnages semblent eux-mêmes complètement perdus. Les histoires peuvent paraître loufoques avec souvent de fascinants écarts dans l’irrationnel.

L’imagination et la créativité du lecteur sont sans cesse sollicitées dans la satire des mœurs, tout au long de fertiles syntaxes et de flots lyriques, ainsi qu’à la rencontre de personnages frappants et typés, totalement fascinés par la poursuite de rêves enflammés dans des environnements complexes.

EXTRAIT DE LA NOUVELLE LE ‘‘NEZ’’ :

L’assesseur de collège Kovaliov s’éveilla d’assez bonne heure et fit avec ses lèvres : « brrr…», ce qu’il faisait toujours en s’éveillant, quoiqu’il n’eût jamais pu expliquer pourquoi. Il s’étira et demanda une petite glace qui se trouvait sur la table. Il voulait jeter un coup d’œil sur le bouton qui lui était venu sur le nez la veille au soir ; mais, à sa très grande surprise, il aperçut à la place du nez un endroit parfaitement plat.

Effrayé, Kovaliov se fit apporter de l’eau et se frotta les yeux avec une serviette. En effet, le nez n’y était pas. Il se mit à se tâter pour s’assurer qu’il ne dormait pas ; non, il ne dormait pas. Il sauta en bas du lit, se secoua ; pas de nez ! Il demanda immédiatement ses habits, et courut droit chez le grand maître de la police.

Filed Under: Fiction, Nouvelles

Il Est Important Pour Les Africains De Raconter l’Afrique, De Raconter Toutes Les Périodes De l’Afrique, De Se Saisir De Toutes Ses Thématiques

April 19, 2023 by jmbarga

Comment avez-vous développé la passion de la littérature et décidé de vous lancer dans l’écriture d’une œuvre de fiction ?

La lecture tomba dans mon adolescence comme le fruit de la passion de l’arbre. Je fus l’heureuse victime d’une boulimie de livres goulûment ingurgités, de toutes cuissons : saignant comme les ‘SAS’ de Gérard de Villiers qu’adoraient mon père ou des John Grisham , A point comme les œuvres de Cheikh Anta Diop, Freud, Romain Rolland, Maryse Condé, Mongo Beti, Césaire,  Achille Mbembé, Amélie Nothomb, Maya Angelou, Sartre, Harendt, etc… Puis vint l’anorexie avec les années universitaires et professionnelles, un jeûne subi jusqu’à la découverte de Miano, Chimandada Ngozi Adichie, etc.  dont la force des récits a su extraire le minerai de l’écriture qui végétait depuis l’adolescence dans les cavernes intimes. Les thèmes abordés par Miano dans les « aubes écarlates » ou « la saison de l’ombre », par Adichie dans « l’autre moitié du soleil », la relecture de Cheikh Anta Diop ont achevé de me convaincre d’écrire cette fiction historique.

Vous abordez dans le roman ‘Indépendants’ la thématique des indépendances africaine des années soixante. Qu’est-ce qui vous conduit à vous intéresser à ce sujet ?

Le premier intérêt vint de mes parents qui ont connu cette période et m’ont raconté certains évènements repris dans le livre. Les jambes de ma mère portaient des taches indélébiles en témoignage de l’incendie de la maison paternelle à son adolescence. Ensuite, les non-dits. Les versions différentes suivant le côté de l’océan où on se trouve. Il y a peu de fiction sur la période des indépendances. LA dernière décennie a vu un rattrapage s’opérer avec Hemley Boum, Nganang, Blick et d’autres qui ont écrit notamment en ce qui concerne le Cameroun. Comme si les langues se délient après plus de cinquante ans. Il faut se souvenir que la jeunesse des années soixante a engendré celle d’aujourd’hui. Et comprendre ses rêves et ses désillusions permet de mieux comprendre le temps présent africain. Par ailleurs, il est important pour les africains de raconter l’Afrique, de raconter toutes les périodes de l’Afrique, de se saisir de toutes ses thématiques, de donner leur point de vue pour enrichir la connaissance globale, car c’est l’histoire de l’Afrique et c’est l’histoire du monde.

Quelle importance accordez-vous au travail de recherche dans une œuvre de fiction ?  

Le travail de recherche est important pour la crédibilité et la vraisemblabilité des faits et des personnages. Cadrer le récit aux faits réels historiques. Recouper les informations sur des dates, des évènements, et y glisser le récit tel un poisson dans l’eau. Il a fallu lire et acheter des dizaines de bouquins. J’ai eu la chance de visiter certains de ces pays même si plusieurs souvenirs ont disparu dans l’urbanisation actuelle des villes. Par exemple, je rêvais de retrouver le Sophiatowm de Johannesburg, disparu depuis. Il est aussi nécessaire de confronter les points de vue, car cette période ne bénéficie pas d’une unanimité de point de vue chez les différents auteurs. Et au fur et à mesure des lectures, les similitudes s’imposaient de l’Afrique du Sud au Ghana, du Cameroun au Congo Belge, du Sénégal à l’Angola. C’étaient les mêmes aspirations à une vie meilleure, à la liberté, à un mieux-être et mieux vivre, à devenir maître de soi-même ; qui levèrent l’enthousiasme de la jeunesse africaine.  

Par ailleurs, pouvoir évoquer les Mandela, Lumumba, Um Nyobé, Nkrumah, Cheikh Anta Diop, etc. dans un même récit, montrer comment leurs victoires ou échecs ont catapulté le destin de gens ordinaires dans l’Afrique contemporaine permet de rappeler que leur combat était le même, celui de l’émancipation d’une population dans une zone géographique donnée (l’Afrique).

La période dans laquelle se déroule votre roman fait partie d’un intervalle que l’on considère comme trouble. Est-ce que c’est important de clarifier aujourd’hui certains aspects de cette période de notre histoire ?

Oui, il faut apporter de la lumière sur cette période, pour les Africains d’abord. Faire la paix avec nous-mêmes, notre passé, notre histoire. Nous réconcilier. Sans complaisance ni victimisation. Attendre la reconnaissance des crimes de la part des anciens colonisateurs est anecdotique. L’Asie n’est pas restée soixante ans à attendre les excuses de X ou Y. Ça détourne de nos propres responsabilités et devoirs. Où sont nos propres monuments ? les rues au nom de nos héros nationaux ? les journées commémoratives ? les promotions de nos prestigieuses écoles qui portent le nom de ces héros ? Nos musées de l’esclavage, de l’histoire coloniale ou des Indépendances ? Pourquoi des livres comme ‘Nations nègres et culture » ou « l’Afrique noire précoloniale » de Cheikh Anta Diop ne sont pas enseignés dans les collèges du Sénégal et des autres pays africains ?  Des ouvrages comme « écrits sous le maquis » ou « le mouvement nationaliste dans le sud du Cameroun » d’Achille Mbembé  sont parfois ignorés au Cameroun. La collection l’Afrique noire contemporaine dirigée par Ibrahima Baba Kaké est passée aux oubliettes… Chaque peuple doit faire son travail d’introspection. L’assumer. Le partager. Et lorsqu’il le fait bien, il se fait respecter. Nous agissons comme si nous attendons l’aval de l’ancien colonisateur qui a son agenda et son propre travail de vérité à faire. Les deux démarches peuvent cohabiter, se rejoindre ou pas. Il y a un tel silence complice de la part de ceux qui ont dominé et de ceux qui furent dominés qu’il en devient coupable. Et ce silence fait le lit des extrémistes, des séparatistes, de ceux qui veulent écrire l’histoire à leur seule sauce, des théories de tous genres. Tout cet imbroglio ne permet pas d’avoir un débat serein et structuré sur ce sujet. Cette situation ne profite pas aux Africains. Parler de ce qui n’a pas marché pour soi dans le passé permet d’anticiper le futur. Bien sûr, l’accès aux archives retenues dans les anciennes puissances coloniales est nécessaire, mais où sont les archives locales ou les témoignages locaux ?  Il faut se libérer de ce fardeau mémoriel qui n’en est un que par l’omerta qui semble l’entourer. C’est aux Africains de le faire, de donner le ton.

À travers votre roman, vous mettez en avant des personnages que l’on pourrait qualifier d’anonymes en rapport à l’importance de certains personnages historiques des indépendances africaines. Quelle aura été l’impact de ces ‘anonymes’ dans les mouvements ayant conduit aux indépendances ?  

Ces anonymes représentent l’universalité. Ce sont des êtres qui aspiraient à mieux dans leur vie. Qui se sont parfois déplacés vers des pays voisins pour trouver le bonheur. Qui eurent des rêves dont certains furent portés par les héros de l’indépendance. Leurs rêves n’étaient pas moins légitimes que ceux des jeunes Français pendant la deuxième guerre mondiale, que ceux des Américains pendant la crise de mil neuf cent vingt-neuf ou à ceux des Japonais au lendemain de Hiroshima. On oublie trop souvent combien cette période trouble a impacté négativement la trajectoire de plusieurs individus. Certains furent chassés de leur village ou de leur pays et durent vivre l’exil. Le maquis au Cameroun, Mai 68 au Sénégal, Sharpeville en Afrique du Sud ou la crise post indépendance au Congo ont produit les mêmes conséquences, le plus souvent désastreuses pour la jeunesse. Cette dernière a soutenu avec force et conviction les mouvements des indépendances dans l’espoir de créer un monde différent dans lequel elle aurait son mot à dire. Comprendre ce qui s’est passé permet de ne pas reproduire les mêmes erreurs.

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La Caractéristique Du Discours Chez Nous Est l’Abondance des Métaphores Et Des Onomatopées.

February 17, 2023 by jmbarga

Qu’entendez-vous par ‘Evangile selon Sainte Marque’ et quelle la différence ou le lien avec l’Evangile selon Saint Marc ?

Quand on parle d’évangile, on pense à un texte servant de référence absolue dans la mesure où, il exprime des lois et règles immuables. Avant Sainte Marque, tous les évangiles qu’ils soient canoniques ou apocryphes faisaient référence aux enseignements et la vie du Christ-Jésus en tant qu’avatar de la religion chrétienne. Notre évangile n’a pas pour point central, le Christ-Jésus, ni pour ambition la conversion et le salut des âmes. Notre évangile est une tentative de  décryptage des opérations pyschologiques dans le domaine marketing à l’aune des méthodes et discours des religions.

Autrement dit, la “marque” est une religion à part entière qui génère des codes spécifiques et ses canons philosophiques pour le moins incontournables dans le marketing ultra concurrentiel de notre époque.

En quoi votre livre se démarque-t-il des essais qui parlent des marques aujourd’hui ?

L’audace éditoriale se trouve dans l’objet de comparaison. Pour parler de la marque, cette idée-rôle qui nous pousse à l’envie, à l’excès, à la sur-consommation, aux péchés capitaux dans un monde capitaliste, nous n’avons trouvé rien de mieux qu’un concept qui semble justement combattre ces valeurs utilitaires et mercantiles. Comme si le nom du diable était celui de Dieu écrit à l’envers.

Tandis que les ouvrages sur la marque généralement sont des approches-recettes purement définitionnelles. Nous n’avons pas jugé suffisant de dire ce qu’est la marque, puisque tous les ouvrages y relatifs l’ont déjà fait ;  mais de voir comment elle se comporte et d’y découvrir une certaine religiosité.

Puisqu’en parlant de religion, croyants ou non, on touche à la sacralisation. Le principe même de la marque, c’est la différenciation, « le sortir » de la banalisation et le souci d’authentification. Loin d’être exhaustif, l’ouvrage plante le décor d’une approche par le haut de la notion identitaire de la référence, du label, donc de l’authenticité.

Est-ce qu’il y a des circonstances particulières qui ont été déterminantes pour la réflexion et pour l’écriture de votre essai ?

Bien entendu. Le contexte même de mon engagement quotidien dans le monde de la communication parfois dépouillé de ses propres commodités et surtout maltraité par des puissances médiatiques assourdissantes à coup de slogans et images parfois totalement incontournables. Il s’agissait aussi de redonner ses lettres de noblesse au management de la communication.

Je suis de l’aire culturelle Fang-béti ou l’art oratoire est fondamental dans la société. La caractéristique du discours chez nous est l’abondance des métaphores et onomatopées. Il est instinctif de toujours expliquer une chose par une autre. De comprendre un univers lointain à travers un univers plus proche. « Ce qui est en haut, est comme ce qui est en bas ».

Fort de ce substrat culturel, et embrassant le métier de publicitaire, qui ne saurait se traduire en ma langue, il m’a fallu, pour comprendre ce métier avoir recours à une métaphore qui me permettrait de mieux comprendre les processus psychologiques à l’œuvre dans l’orchestration des campagnes de communication. Cette manière de comprendre le métier était inévitable d’autant plus que je n’avais pas eu un cursus scolaire préalable me prédestinant à la publicité. J’y suis tombé comme un cheveu dans la soupe.

Evangile selon sainte marque par Thibault Marcel Tsimi

Depuis quand pensez-vous que la marque est devenue une divinité ? Est-ce que ce sera encore le cas pour longtemps ?

Vous n’allez pas non plus assimiler la métaphore à un blasphème ni au prosélytisme. Le marché aujourd’hui pour tout entrepreneur ou investisseur est un monde ultra concurrentiel où tous les moyens sont bons pour écraser ou écarter la concurrence. Hisser sa marque au niveau le plus élevé c’est dominer le marché. La maintenir malgré tout, c’est aussi être à la hauteur. Dans tous les cas, prendre soin de sa marque est une nécessité : on parle ainsi d’image de marque, l’autre approche plus sensible du marketing dont on parlait précédemment.

Aussi longtemps que les hommes voudront mettre un sens dans leurs actions, ils trouveront toujours dans les produits et les événements des motifs de dévotion. L’homme a tendance à tisser un rapport métaphysique avec tout ce qui l’entoure et les hommes de marketing répondent à ce besoin à travers leurs produits. Le besoin de croire est vital pour l’homme, la consommation aussi. Vérité presque évangélique.

Les biens (produits et services) ont-ils autant d’adeptes convertis dans nos géographies au même niveau que dans les autres sociétés à travers le monde ?

Etant donné que la culture en elle-même est le reflet identitaire de l’appartenance à une communauté, celle de la consommation, donc des produits l’est également. Seulement, et, grâce à la mondialisation et aux moyens de communications, toutes ses frontières sont brisées en ce qui concerne les produits et/ou les prestations de services. Ceci rend encore la MARQUE plus déterminante que jamais dans le choix du consommateur final. Sans ignorer le sempiternel classique désirabilité/accessibilité dans le panier, la consommation aujourd’hui se veut conquérante et universelle ; les vendeurs se donnent les moyens de préempter des territoires de plus en plus hétéroclites. Ceci n’est pas non plus une sinécure compte tenu des enjeux économiques globaux et des solutions alternatives inhérentes à chaque région pour chaque produit ou service. La qualité et l’attractivité sont deux atouts majeurs pour l’élévation d’une marque n’importe où. Il en découle la notoriété.

Ceci dit, Tant que les choses rassemblent les gens, il en découlera des rites, des mythes qui sont autant de bases fondamentales pour la marque en tant que communauté et identité. L’intention stratégique d’en faire un outil d’influence ou un facteur de création de richesses dépendra alors du sens des affaires. Concrètement, le Matango par exemple ou le Tchapalodrome sont des lieux et des liens qui constituent un fort potentiel de marque parce qu’elles rassemblent autant de convertis qui font vivre la même communauté. Mais l’organisation stratégique de ces lieux dans une entreprise légalement constituée n’a pas encore été ressentie par un investisseur. Le Cameroun et plusieurs pays d’Afrique résolus d’accélérer le mouvement d’industrialisation, la convocation de nos cultures au festin de la modernité ne saurait tarder.

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10 Livres Lus Et Approuvés En 2022

December 30, 2022 by jmbarga

Toute lecture s’inscrit dans le temps et dans notre histoire personnelle.

Une partie des souvenirs que nous gardons en effet d’une année est parfois liée à nos lectures. Nous nous rappelons alors le moment et le lieu où nous avons lu un roman captivant par exemple.

Les livres eux-mêmes nous apprennent d’innombrables choses sur des époques anciennes, récentes ou actuelles.

Dans l’immédiat, j’ai choisi de marquer un temps d’arrêt pour partager 10 ouvrages dont j’ai achevés la lecture ou la relecture en 2022.

Les 700 aveugles de Bafia (Mutt Lon)

Qui ne connaît pas Mutt-Lon et son incroyable roman ‘Ceux qui sortent la nuit’ ? Mais au risque de vous embarquer dans ce livre épique et de nous plus en sortir, retrouvons vite ‘Les 700 aveugles de Bafia’.

C’est une belle histoire bien ancrée dans notre pays. On y retrouve des personnages locaux et expatriés dont certains qui ont réellement existé. D’ailleurs, c’est avec un fait historique authentique que le romancier a bâti avec brio son intrigue.

J’ai eu l’opportunité de discuter avec l’auteur durant l’événement ‘Lire à Douala 2022’. Évidemment, cela a permis de comprendre sa démarche originale et de m’imprégner davantage de son univers bien singulier que l’on retrouve roman après roman.

Citation tirée du roman : « En réalité, être infirmière, ce n’est pas exercer un métier, c’est carrément prendre la relève de Dieu. J’en suis consciente depuis mes premières tournées, mais je n’avais pas imaginé qu’une si noble activité puisse conduire à un désastre. »

  • Le continent du Tout et du presque Rien (Sami Tchak)

Lorsque j’ai commencé à lire ‘Le continent du tout et du presque rien’, j’avais juste l’intention de lire quelques pages avant d’y revenir plus tard. Mais je suis tout de suite rester scotché au roman de Sami Tchak.  

J’aime les œuvres de fiction dans lesquelles j’apprends des choses nouvelles, au travers des différentes péripéties. Ce fut le cas avec ce roman rafraîchissant qui pousse à réfléchir sur les idées produites et véhiculées sur le continent africain.

Un petit mot sur l’auteur : c’est un véritable érudit de la littérature. Il connaît des anecdotes incroyables sur les écrivains de toutes les géographies et l’histoire littéraire n’a aucun secret pour lui. C’est avec grand plaisir que je l’ai écouté lors de différents échanges durant ‘Lire à Douala 2022.’

Passage tiré du roman : “Tout le monde sait nous définir, nous décrire, avec des généralisations, des amalgames, des contradictions. Et nous-mêmes, en général, nous ne parvenons pas à parler de nous sans nous prendre l’esprit et la langue dans les mailles de tous ces discours, de toutes ces images, que l’on déverse de tous les côtés sur nous.”

  • Journal Of A Novel (John Steinbeck)

J’ai découvert John Steinbeck en lisant ‘Des souris et des hommes’. C’est un livre qui m’a marqué et qui m’a conduit à m’attacher à cet auteur américain qui aborde dans une bonne partie de son œuvre des thématiques sociales tout en créant des personnages exceptionnels auxquels on s’attache tellement que l’on ne les oublie pas si tôt achevée la lecture du roman.

Une fois que je m’étais rendu à San Francisco, Californie, j’avais naturellement saisi l’occasion pour visiter le ‘John Steinbeck Center’ situé à Salinas, là où l’auteur avait situé une partie de son œuvre. C’est à cette occasion que j’ai découvert ‘Journal of A Novel’, une série de lettres de l’auteur à son éditeur, des lettres écrites chaque jour pendant la rédaction du roman ‘ À l’est d’Eden’.

Pour un auteur ou une autrice, c’est une lecture passionnante. C’est un peu comme si on regardait par-dessus l’épaule de John Steinbeck pour voir la manière dont le maestro travaille. Le livre foisonne de détails intéressants allant des notes sur l’écriture à la vie quotidienne.

Un passage du livre : “But sometimes in a man or a woman awareness takes place-not very often and always unexplainable. There are no words for it because there is no one ever to tell. This is a secret not kept a secret, but locked in wordlessness. The craft or art of writing is the clumsy attempt to find symbols for wordlessness.”

  • Le koala tueur et autres histoires du Bush (Kenneth Cook)

J’aime les oeuvres comiques. Peut-être que tout cela a commencé avec ‘Le Vieux nègre et la médaille’ qu’un copain m’avait fait lire au collège un peu avant ‘Les bimanes’ de Sévérin Cécile Abéga. Mais ce dernier livre a l’avantage qu’il était au programme scolaire et notre enseignant, un frère canadien, nous l’avait rendu encore plus sympathique. 

Pour entamer ‘Le koala tueur et autres histoires du Bush’, il m’a fallu un peu de courage : la première histoire avait pour titre : Alcool et serpents ! Je lisais en pleine nuit et j’étais à quelques minutes de m’endormir. Mais je suis tombé assez vite sur ce passage où le narrateur retrouvait un monteur de serpent avec lequel il venait de sympathiser :

” Les reptiles ne bougeaient guère, ils semblaient apprécier la chaleur du corps inerte de Blackie. Je le présumais vivant car ses ronflements faisaient vibrer les vitres, mais aucun indice ne me permettais de savoir s’il était dans le coma parce qu’il avait été mordu, simplement ivre mort, ou un mélange des deux.” 

Il y avait longtemps que je n’avais pas autant ri en lisant des nouvelles. Le style de l’auteur est dépouillé quoique les histoires soient aussi percutantes les unes que les autres avec des chutes surprenantes.

  • Le Nez suivi du Manteau (Nicolas Gogol)

Il n y a pas que les noms des personnages russes que j’aime. Mais avec ces noms seulement, on a déjà l’enchantement que l’on cherche lorsqu’on entame une œuvre de fiction.

Ensuite, il m’est facile de me retrouver dans certains personnages et dans certaines situations. Par exemple chez Gogol, des histoires normales peuvent basculer à tout moment dans le fantastique ou l’irrationnel, un peu comme dans les faits divers que l’on retrouve chez nous chaque jour. Vladimir Nabokov rappelle à ce propos ‘[…] L’on aime à rappeler que la différence entre le côté comique et le côté cosmique des choses dépend d’une seule consonne sifflante.

Dans les deux nouvelles  (Le nez et Le manteau) rassemblées dans le livre, on est plongé dans l’univers des fonctionnaires de Pétersbourg des années 1830-1840 et l’auteur fait une satire féroce de la bureaucratie.

Extrait du manteau : ” Le régisseur de collège devait faire son rapport au secrétaire de province, le secrétaire de province s’adressait au conseiller titulaire ou à quelque autre fonctionnaire, et ainsi de suite, en passant par tous les degrés de la hiérarchie. C’est ainsi que les choses se passent dans notre sainte Russie : chacun y joue au chef et copie son supérieur.”

  • L’affaire Pélican (John Grisham)

Enfin, j’ai lu le roman ! Le film, nous l’avons vu dans notre jeunesse au Cinéma Abbia à Yaoundé. Denzel Washington, Julia roberts…

La lecture du thriller m’a ravi. Comme c’est souvent le cas lorsqu’on a déjà vu le film, il y a de nombreux détails intéressants que j’ai retrouvés avec joie dans le livre, détails qui ne sont pas forcément dans le film ou alors qui n’ont pas la même intensité ou la même sensibilité.

Dans ce roman dans lequel Darby Shaw, une brillante étudiante en droit, joue un rôle déterminant dans l’enquête sur les décès tragiques de deux membres de la Cour Suprême des Etats Unis, l’intrigue conduit dans les dédales du monde judiciaire et les problèmes sociaux et politiques s’entremêlent.

Passage tiré du roman : “Certes, cette crise était une aubaine, les sondages continuaient à grimper, Rosenberg avait disparu, l’image de marque du président se trouvait rehaussée dans une Amérique satisfaite de savoir qu’il tenait fermement les rênes du pouvoir, les démocrates se faisaient tout petits, la réélection était dans la poche.”

  • Journal d’un écrivan  en pyjama (Dany Laferrière)

J’avais acheté ce livre grâce à son titre que j’avais trouvé original. Ensuite, j’ai lu le livre par petits bouts, mais sans que cela se fasse de la première à la dernière page. Cela est possible avec cet ouvrage puisque les méditations, les réflexions et les récits sont globalement autonomes.  

En relisant ‘Le journal d’un écrivain’ cette année, je suis parti de la première page à la dernière. Pour quelqu’un qui aime les belles-lettres, la lecture de cet ouvrage est un pur régal, car il y est question d’écriture, de littérature et des écrivains.

Extrait : “Il faut savoir que le vraisemblable n’est pas le vrai. Votre travail, c’est de rendre crédible l’univers que vous avez fait passer par le tamis de votre sensibilité. On écrit avec des mots et non des actes. On parvient à masquer cette déficience avec les images, les métaphores, les comparaisons.”

  • La ferme aux animaux (George Orwell)

Après la fascinante lecture de ‘1984’, j’avais enchaîné presqu’immédiatement avec ‘La ferme aux animaux’ avant de m’interrompre un moment. J’en ai récemment achevé la lecture.

Le livre est une satire historique et politique et l’on peut faire un parallèle avec certains événements ou personnages. À la ferme du manoir, les animaux souhaitent s’émanciper de la tyrannie et de leur exploitation. Il fomente une révolution, mais le rêve de liberté partagé vire progressivement au cauchemar.

Il me semble que George Orwell est un visionnaire qui, avec ses histoires allégoriques, a anticipé certains événements que nous vivons aujourd’hui. De quoi avoir envie d’aller à la découverte de ses autres œuvres.

Extrait : “Dehors, les yeux des animaux allaient du cochon à l’homme et de l’homme au cochon, et de nouveau du cochon à l’homme ; mais déjà il était impossible de distinguer l’un de l’autre.”

  • Exercices de Style (Raymond Queneau)

Ce livre est un cadeau reçu il y a quelques années alors que j’étais en mission professionnelle longue durée en France. La personne qui me l’offrait avait bien perçu ma passion pour les jeux de mots et les histoires qu’on tourne dans tous les sens. J’avais aussitôt commencé la lecture ce week-end-là avant de retourner à mes présentations PowerPoint dès le lundi.

Ce n’est que récemment que j’ai pris le temps de savourer chaque variation de l’histoire racontée. ‘Exercices de style’ est en effet une brève histoire racontée quatre-vingt-dix-neuf fois, de quatre-vingt-dix-neuf manières différentes.

Son auteur, Raymond Queneau, fut l’un des co-fondateurs de l’Oulipo (ouvroir de littérature potentielle) en 1960, un mouvement littéraire prônant l’innovation par le langage. ‘Exercices de style’ arriva donc comme un texte précurseur du mouvement et un exemple probant d’application d’une contrainte en littérature. À noter que l’écrivain français Hervé Le Tellier (prix Goncourt 2020) est un oulipien, ce qui permet de savoir que le mouvement  est toujours dynamique.

Ci-après le début d’une des variations de l’histoire des ‘Exercices de style’. Au Camer, on peut comprendre facilement, surtout en lisant à haute voix : “Un dai vers middai, je tèque le beusse et je sie un jeugne manne avec une grète nèque et un hatte avec une quainnde de lèsse tressés. Soudainement ce jeugne manne bi-queumze crézé et acquiouse un respectable seur de lui trider sur les toses. Puis il reuna sur un site eunoccupé.”

  1. Le Nœud De Vipère (François Mauriac)

La première fois que j’ai lu ‘Le nœud de vipères, j’étais au collège. Nous étions en terminale C et la majorité des élèves n’avait que peu d’intérêt pour la littérature, concentré à résoudre les durs exercices de maths du fameux Maurice Monge.

Notre fringuant et jeune prof de français (Marcellin Vounda) institua un prix de littérature pour nous intéresser davantage à sa matière. Au premier trimestre, j’obtins la meilleure note en français (et en français seulement) et je me retrouvai à lire le roman de François Mauriac pendant les congés de Noël.

Difficile à l’époque de m’identifier au personnage principal qui est un avare âgé qui pense que ses proches ne l’aiment pas et ne s’intéressent qu’à son patrimoine. Le roman est original en ce sens que c’est une confession épistolaire au départ qui se transforme suite à des péripéties en un journal.

En relisant cette année, je suivais l’intrigue avec un regard neuf et j’ai été plus sensible à certains détails. Et j’apprécie davantage le style particulier de l’auteur qui m’a conduit à lire d’autres livres qu’il a écrits.  

Passage tiré du roman : “Et moi, je possédais une espèce de génie. Si j’avais eu, à ce moment, une femme qui m’eût aimé, jusqu’où ne serais-je pas monté ? On ne peut tout seul garder la foi en soi-même. Il faut que nous ayons un témoin de notre force : quelqu’un qui marque les coups, qui compte les points, qui nous couronne au jour de la récompense, – comme autrefois, à la distribution des prix, chargé de livres, je cherchais des yeux maman dans la foule et au son d’une musique militaire, elle déposait des lauriers d’or sur ma tête frais tondue.”

Bonus 1- Evangile Selon Sainte Marque (Thibault Marcel Tsimi)  

J’ai eu l’opportunité de lire le livre de Thibauld Marcel Tsimi avant sa parution officielle. C’est un essai dans lequel le communicateur crée un lien étonnant et détonnant entre le marketing et la religion.

Je n’ai pas été surpris que l’ancien séminariste devenu publicitaire fourmillement d’idées novatrices et originales puisque je me rappelle bien les longues discussions que nous avions en agence de communication.

En cette fin d’année et à lecture de l’ouvrage, je me demande si le postulat de la divinisation des marques ne devient plus évident. Après tout, les temples des produits discutent, et même ravissent la vedette aux temples religieux.

Bonus 2- Indépendants (Aurélien Ludovic Kilama)

Les Indépendants, le roman d’Aurélien Ludovic Kilama a paru en 2022 chez L’Harmattan. J’ai eu l’occasion de l’acquérir et d’échanger avec l’auteur lors de la séance de dédicace à la FNAC de Bali.

J’ai entamé la lecture pour suivre les aventures de quatre jeunes africains de plusieurs nationalités pris dans le tourbillon des indépendances des pays africains dans les années 60. J’aurai sans doute l’occasion de revenir sur ce roman qui contribue à l’appropriation optimale et complète de notre histoire en posant un autre regard sur de nombreux faits.

BOOKS… BOOKS… BOOKS…

En ouvrant un livre et en entrant dans l’univers de l’auteur, nous emmenons aussi le nôtre.

Cette expérience est forcément différente d’un lecteur à un autre. Umbeto Eco pense du reste qu’ ” Un texte est une machine paresseuse qui exige de ses lecteurs qu’ils fassent une partie du travail; autrement dit, un dispositif conçu pour susciter les interprétations. […] En même temps, le lecteur ne peut choisir n’importe quelle interprétation fondée simplement sur sa fantaisie : il doit s’assurer que le texte, d’une façon ou d’une autre, légitime et même encourage une lecture particulière.”

N’hésitez pas à partager avec nous vos lectures de 2022, vos commentaires et vos interprétations !

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EZA Celle Qui Vient De Loin

December 20, 2022 by jmbarga

by Joseph Mbarga

Kala était à la rivière pour faire sa lessive après six journées de dur labeur et le jeune homme allait bientôt achever sa besogne lorsqu’il entendit un craquement de feuilles sèches. Alors, il se tourna et vit arriver de l’autre côté de la rive une jeune femme étrangère au village qui avançait vers le cours d’eau. Elle était coiffée d’immenses nattes noires oscillant sur son dos comme une crinière arachnéenne. Elle sourit. Malgré lui, Kala laissa choir sur le rocher l’habit qu’il lavait.

La belle étrangère s’arrêta tout près de l’eau.

– Y aurait-il ici un héros dont la bravoure serait si grande qu’il aiderait une inconnue à traverser la rivière ? lança-t-elle en posant à même le sol les deux sacs qu’elle portait.

– Un joli sourire créera toujours des héros, répondit Kala à la jeune femme qui continuait de sourire.

Kala s’installa dans une pirogue de pêche échouée sur le sable et fit route vers l’autre grève en maniant avec dextérité la pagaie. Dès qu’il atteignit la rive, la jeune femme mit ses bagages dans la petite embarcation, ajusta le pagne aux motifs multicolores sur ses longues jambes galbées et s’assit devant le piroguier qui entreprit de faire le chemin inverse. Il quitta le premier la barque et aida sa passagère à regagner la terre ferme.

– Je m’appelle Eza, dit la voyageuse en tendant la main au piroguier. Je viens du grand village de So et je suis à la recherche de mes parents.

Kala s’empressa de serrer la main et se présenta à son tour. Ensuite, il rassembla le linge lavé, l’empila dans un panier propre qu’il posa en équilibre sur la tête. Il se chargea ensuite de l’un des sacs d’Eza. Comme elle le pria de la conduire au village Oya qu’elle ne connaissait pas, ils empruntèrent d’abord la voie escarpée, puis zigzaguèrent à travers la forêt et des champs en friche. Et ils s’arrêtaient de temps en temps tous les deux pour souffler, surtout lorsqu’ils se mesuraient à l’une des collines raides bien connues des habitants d’Oya. Chemin faisant, Eza commença à narrer son histoire. Kala apprit ainsi qu’elle n’avait jamais connu ses véritables ascendants. Elle avait été élevée par le roi de So. Des guerriers l’avaient trouvée toute seule grelottant de froid par une nuit sans étoiles, près du cours d’eau que son guide venait de l’aider à traverser. Elle n’était alors qu’un nourrisson. Elle avait grandi dans l’entourage du chef qui l’avait prise en affection. Le chef de So avait compté vingt-et-une grandes saisons de pluies et vingt-deux saisons sèches depuis cette époque. Mais voilà que quelques semaines plus tôt, le souverain de So lui avait dit la vérité. Alors, Eza avait préféré partir d’abord à la recherche de ses géniteurs avant de retourner plus tard à So, et ce, malgré l’opposition du chef.

Une bouillonnante auréole nimbait les cimes des arbres. Parfois, Eza et Kala marchaient près d’un arbre dont les fruits exhalaient un parfum exquis, et toute la forêt semblait un jardin de fleurs à ciel ouvert, traversé de fragrances fraîches et fécondes. La clarté devenait éblouissante à mesure que les deux marcheurs se rapprochaient du village. Ils passèrent devant des maisons de briques de terre et de feuilles de pailles séchées. Devant le domicile de Kala, le jeune homme leva sa main et dit :

– J’habite ici. Nous allons nous arrêter un moment et voir ma mère, et si tu le souhaites, on lui racontera ton histoire. Elle saura peut-être comment te guider sur ton chemin.

Quand Eza raconta à la mère de Kala son histoire, les rides du visage de son interlocutrice se dilatèrent à mesure que le récit avançait. À la fin de l’histoire, l’ancienne resta coite. Et, plutôt que de réagir aussitôt à ce qu’elle venait d’entendre, elle pria Eza d’accepter son hospitalité pour la nuit. Eza hésita et, prétextant qu’on lui avait demandé de se renseigner chez des personnes précises, elle déclina l’invitation dans un premier temps.

– Oui ma fille, mais tu pourras habiter ici et mener tes recherches en toute tranquillité.

Et, se tournant vers son fils Kala, elle ajouta :

– Nous t’aiderons tous ici, tu verras.

Le lendemain, on l’invita à nouveau à rester et il en fut de même pendant les jours qui suivirent. Finalement, on décida qu’Eza ne partirait que lorsqu’elle aurait trouvé la trace des siens.

Eza se mit alors à parcourir le village d’Oya, seule ou avec de la compagnie. Elle entrait dans de nombreux domiciles en racontant partout la même histoire. Elle marchait beaucoup, passait par des sources, des bois ou d’immenses étendues de broussailles inextricables dans lesquelles elle devait se frayer un chemin pour rejoindre le prochain pâté de maisons.

Mais certains jours aussi, Eza allait simplement aider Kala et sa mère dans leurs activités. À la tombée de la nuit, au moment où les lucioles allumaient leurs lanternes intermittentes et lorsque la douce brise vespérale s’élevait et chatouillait les faîtes des arbres majestueux en les faisant frémir en cascade, Eza rejoignait les jeunes du village réunis sous un ciel saupoudré de l’or du soleil couchant. Elle prenait part à de nombreux jeux, écoutait les devinettes et les contes ; ou alors elle narrait elle-même des histoires et proposait des énigmes venues des temps immémoriaux. Les jours de fête, la jeune femme se mêlait aux autres villageois sur la grande cour et se trémoussait au son des balafons. Elle éclipsait alors les autres danseuses par sa beauté et son agilité et les candidats se bousculaient pour qu’elle leur accordât une danse.

De jour en jour, tout le village appréciait davantage Eza. Sa gentillesse séduisait les gens. Bientôt, on ne la considéra plus comme une étrangère.

** *

Une petite saison sèche s’était déjà écoulée depuis que Eza était arrivée à Oya. Ses recherches demeuraient infructueuses. Ce fut à ce moment qu’on lui conseilla d’aller voir Koul.

Koul était le plus âgé de tous les notables. Le roi écoutait particulièrement ses conseils avisés ; il demeurait proche des habitants du village, et on allait le consulter pour diverses raisons. Eza s’en alla donc le trouver pour lui parler dans le détail de sa quête. Elle fut frappée par sa peau parcheminée et son épaisse barbe blanche. Le vieillard l’écouta sans mot dire tout en fumant sa pipe, mais son regard s’était progressivement allumé comme un feu s’étendant sur une terre en jachère. Lorsque Eza eut fini de parler, Koul lui demanda de revenir le voir le lendemain.

Le lendemain, la contrée fut réveillée par les croassements d’une armée de corbeaux ; les oiseaux furent si nombreux que personne n’eut le courage d’aller travailler. Un calme absolu étendit son voile sur le village. Finalement, le batteur de tam-tam annonça une tragique nouvelle : Mona, la femme du chef, était décédée.

Tous les pâtés de maisons d’Oya portèrent le deuil pendant trois jours. Le troisième jour correspondait à l’enterrement de Mona, puis, petit à petit, la vie reprit son cours normal.

Très vite, il fallut trouver une épouse au chef comme l’exigeait la tradition. Mos, détenteur de la couronne, devait impérativement choisir pour compagne une jeune femme vivant sur son territoire. Après mûre réflexion et aidé par le conseil des sages, sa préférence alla à la belle et mystérieuse jeune femme dont tout le monde disait du bien.

Eza reçut un véritable choc lorsqu’elle apprit que le chef l’avait choisie comme épouse. Un brouillard épais recouvrait davantage le chemin qui menait à la découverte de son histoire personnelle, à l’élucidation des questions qu’elle se posait sur sa vie et sur son passé. L’idée de retourner chez son père adoptif effleura son esprit, mais on l’en dissuada vivement. On lui dit qu’il n’était pas prudent de repousser les avances du roi. D’ailleurs, toutes celles qui avaient opté pour cette incongruité par le passé avaient été frappées d’anathème. Et leurs descendants étaient encore marqués du sceau de l’infortune plusieurs générations après.

C’est ainsi que malgré elle, dans une torpeur de laquelle il fallut sans cesse la sortir et qui n’avait d’égale que l’engourdissement d’une vipère après déglutition de sa proie, Eza réunit ses petites affaires pour rejoindre la demeure du souverain de So. Elle remercie longuement Kala et sa mère qui lui avaient offert l’hospitalité. Dans la petite cour de la maison pleine de nombreuses personnes pour l’occasion, on souhaita à Eza de réussir dans sa nouvelle vie. Elle ferait du bien à tout le village, cela était certain. Elle partit ensuite avec les notables, les larmes aux yeux tandis que Kala, adossé contre un arbuste, avait le cœur serré. Au fond d’elle, Eza savait qu’il lui faudrait du temps pour faire le deuil de la vie simple, joyeuse et insouciante qu’elle avait menée pendant des semaines.

Avant de devenir pleinement l’épouse du roi, elle devait suivre une initiation pendant une saison entière de pluies. Eza mangea peu, dormit plus que la normale et demeura taciturne pendant les premiers jours de sa présence dans la concession du chef. Puis arriva la longue saison des pluies. Dans la forêt, les arbres se recouvraient de feuilles vertes. Des fleurs fraîches et multicolores donnaient au paysage un sourire radieux. Eza commença son initiation.

Auparavant, Mos s’était rendu dans un village voisin pour une visite. Depuis qu’il était parti, les populations d’Oya avaient déjà compté dix couchers de soleil. Comme il ne devait pas y mettre tant de temps, elles commencèrent à se poser de nombreuses questions. Lasse d’attendre, la cour dépêcha deux messagers pour retrouver le chef et sa suite. Mais ceux-ci rentrèrent bredouilles. Dès l’annonce de cette effrayante nouvelle, des guerriers intrépides, qui avaient fait leurs preuves en d’autres circonstances, furent envoyés sur les traces de Mos le chef. Affrontant divers dangers, ils fouillèrent jour et nuit dans les coins et les recoins l’étendue séparant les deux villages. Mais leurs recherches demeurèrent infructueuses. Personne ne put réussir à dire ce qui était exactement arrivé au souverain et à sa délégation. Un mauvais sort semblait s’acharner sur Oya. D’ailleurs, même Eza avait aperçu Zombo, le gorille qui s’était montré deux jours durant sur la colline qui surplombait le palais du chef. Ses apparitions n’étaient jamais fortuites. Elles exprimaient toujours le mécontentement des ancêtres. À ces moments, il devenait impératif d’envoyer le plus âgé des notables recueillir le message des aïeux. Koul dormit pendant trois nuits au sommet de la colline où était apparu le gorille.

À son retour, il réunit le conseil des sages. Celui-ci débattit longuement du message que Koul avait reçu sous la forme d’un rêve la troisième nuit. Il en ressortit que les aïeux n’étaient pas satisfaits de la façon dont s’exerçait la gouvernance du chef. Koul fit aussi de nombreuses révélations sur les derniers événements. Les sages discutèrent alors de la meilleure manière de sortir le village de la tourmente qu’il traversait et achevèrent leur concertation par la désignation d’Eza comme la nouvelle reine d’Oya.

Après la réunion, Koul alluma sa pipe et alla retrouver Eza. Il lui parla avec précaution et déférence de l’histoire du village et des derniers événements. Puis il marqua une pause et dit :

– Tu es la nouvelle reine d’Oya, notre souveraine à tous.

Eza demeura confuse un bon moment, incapable d’articuler la moindre parole. Elle ouvrit la bouche, mais aucun son n’en sortit. Elle joignit ses lèvres avant de les tordre dans une grimace, tandis que ses genoux se cognaient l’un et l’autre avec frénésie. “Hum” dit-elle pendant qu’elle essayait de joindre ses deux mains devant elle pour se donner force et consistance.

– Je ne veux pas, dit-elle lorsqu’elle parvint enfin à réunir ses mains. Laissez-moi plutôt m’en aller à présent. Je vais rentrer dans mon village.

– Reine Eza, il est trop tard hélas pour partir, reprit calmement Koul. Tu es ici chez toi, tu as parlé avec les tiens ces derniers temps. C’est toi qui amèneras les changements dont on a besoin comme nos aïeux me l’ont révélé.

– Mais père, supplia Eza, je suis venu ici chercher ceux qui m’ont donné la vie.

Le vieil homme assis en face d’Eza tira plusieurs bouffées de sa pipe, puis rejeta une épaisse couche de fumée qui se balada quelque temps dans le vide en formant des arabesques. Il se racla la gorge et parla :

– Ta mère s’est tuée il y a quelques temps quand je lui ai parlé de l’entrevue que nous avions eue, et ton père a disparu récemment. Désormais, je suis là pour te servir et te conseiller.

Un silence pesant enveloppa la pièce. Cette révélation eut pour effet de paralyser Eza qui resta à nouveau bouche bée pendant un long moment.

– Mon père était donc Mos et ma mère Mona ? demanda-t-elle enfin.

– Oui, répondit Koul, impassible.

– Que se serait-il passé si Mos et moi…

– Cela ne pouvait arriver, interrompit le sage. La tradition stipule que tant que la compagne du chef n’a pas achevé son initiation, elle ne peut partager le même lit que lui. Cette période est justement faite pour éviter de nombreux désagréments.

Eza demanda par la suite à son interlocuteur de lui expliquer comment Mos et Mona étaient ses parents. Koul lui dit alors que sa mère avait vu en songe qu’elle aurait une unique enfant et que celle-ci pourrait épouser son père et devenir reine. Consternée, lorsque l’enfant était arrivée, sa mère l’avait abandonnée à sa naissance près d’une rivière à la frontière avec le village voisin de So, en conflit à l’époque avec Oya. C’était certainement là qu’elle avait été recueillie par les guerriers qui l’avaient conduite chez le chef de leur village.

Plus tard au cours de leur entretien, Koul dit à Eza qu’il n’était pas souhaitable que celle qui allait présider aux destinées d’Oya restât seule. Elle devait impérativement trouver un époux dans la contrée.

Ce jour même, Kala fut amené au palais royal. C’était la première fois qu’il foulait le sol de ce pittoresque édifice. Dès l’instant où il avait vu Eza à la rivière, son cœur avait été illuminé par une flamme ardente dont le feu ne s’était jamais éteint. Il n’avait cessé de se perdre en douces rêveries enluminées par le visage d’Eza. Mais le jour où elle était partie s’installer au palais, il avait perdu tout espoir de lui exprimer sa passion.

On laissa Kala dans une pièce. Il lui sembla quelques instants que son ventre se creusait et que son souffle allait se couper. Eza était là devant lui. Elle souriait. C’était le même sourire envoûtant que lorsqu’il l’avait vue pour la première fois à la rivière. Au bout d’un moment, il bredouilla :

– C’est vrai… que c’est moi qui…

– Oui, c’est vrai, dit Eza.

– Euh… euh… je… n’ai pas arrêté de penser à toi.

– Tu sais Kala, il y a bien longtemps que tu hantes mes nuits, reprit Eza.

Dehors, Koul donnait l’ordre au batteur de tam-tam d’annoncer pour les jours à venir le prochain mariage d’Eza et l’intronisation future de la première reine d’Oya.

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