Depuis quelques jours, l’annonce de la visite du Président français Emmanuel Macron au Cameroun les 25 et 26 juillet prochains est officielle.
Pour les personnes qui espèrent un retour effectif des biens patrimoniaux camerounais spoliés et dispersés à travers le monde (y compris en France), cette visite peut-elle être significative ? La réponse est évidente : oui, si le séjour d’Emmanuel Macron à Yaoundé permet une avancée significative du processus de rapatriement des objets pillés.
L’opinion nationale serait alors édifiée sur les derniers développements du dossier pour ce qui est des deux pays en présence. Par ailleurs, pourquoi l’occasion de la visite ne permettrait-elle pas un rapatriement effectif de quelques objets de culte ou des trésors royaux en guise de preuve d’actions tangibles ?
Acter L’ancienneté Des Réclamations De Restitution Des Objets Pillés
Il est inexact de croire ou de prétendre que les réclamations sur le retour des artefacts africains en errance à travers le monde sont récentes. Cela relève d’une méconnaissance du sujet ou de la mauvaise foi. De même, il n’est pas vrai que les débats sur la thématique du rapatriement du patrimoine viennent des initiatives prises en dehors de l’Afrique.
De la même manière que les chefs locaux et les populations dans leur immense majorité ont résisté aux envahisseurs au moment des confrontations historiques, de nombreuses forces et des parties prenantes n’ont eu de cesse de réclamer le retour des objets qui avaient été enlevés ou emportés par la ruse. De fait, ces requêtes ont débuté aussitôt que les objets sont partis vers d’autres horizons.
Au Cameroun, Mongo Beti, Engelbert Mveng et bien d’autres écrivains en parlent dans leurs écrits dès les années 60-70. Le professeur Prince Kum’a Dumbe III réclame le retour du Tangué royal de son ascendant Lock Priso depuis plusieurs décennies et l’éminent historien est engagé de façon plus globale à la sensibilisation sur la restitution des patrimoines africains.
On se souvient aussi qu’à l’issue de nombreuses péripéties, le retour de la statue Ako Afom en 1973 fut salué en son temps par le pays tout entier comme un événement majeur et que l’événement se déroula en présence du président Ahmadou Ahidjo.
Informer Les Camerounais Des Dernières Évolutions
La plus grande crainte actuelle est que le sujet du retour des objets spoliés ne soit pas abordé entre les officiels camerounais et français ou tout du moins que l’on n’en parle pas lors des comptes-rendus officiels. Les Camerounais.es continueraient alors à rester dans le flou sur le rapatriement du patrimoine cultuel et culturel de leur pays comme si cela constituait un sujet accessoire.
Dans le fameux discours à l’Université de Ouagadougou en 2017, le président Macron déclarait « Je veux que d’ici cinq ans, les conditions soient réunies pour des restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain en Afrique. » Cinq ans plus tard, les conditions suggérées devraient être réunies ou seraient en phase de finalisation pour tenir cette promesse essentielle. S’agissant du Cameroun, il sera important d’avoir la situation sur les évolutions récentes du retour des biens spoliés. Ce n’est qu’ainsi que les discours ne resteront pas des vœux pieux.
Prendre Toute La Mesure L’importance des Objets Pillés en Provenance du Cameroun
Alors que plusieurs pays africains ont accueilli le retour de quelques objets significatifs ces derniers temps, aucun rapatriement officiel n’a été noté pour le Cameroun. Les biens culturels confisqués en provenance de notre pays et en errance dans le monde sont pourtant nombreux.
Pour ce qui concerne la France et seulement au Musée du Quai Branly, le rapport Sarr-Savoy indique le chiffre de 7.838 objets venant du Cameroun, classant ainsi notre pays en deuxième position de ceux dont la provenance des objets est formellement identifiée. Et on ne parle là que d’un seul lieu dans un seul pays !
De plus, les œuvres patrimoniales d’origine camerounaise battent des records lors des ventes. C’est le cas par exemple du masque Fang Mabi qui a coûté 4,35 millions € lors d’enchères à Paris en 2014.
S’appuyer Sur Les Tendances Irréversibles Du Retour Des Objets Spoliés
Le 25 mai dernier lors d’un conseil de cabinet à Yaoundé, le Premier ministre, Joseph Dion Ngute chargeait le ministre des Arts et de la Culture, de mettre sur pied une stratégie nationale en vue du retour au Cameroun des trésors du patrimoine national emportés en Occident avant l’indépendance du pays.
Sur un autre plan, les initiatives cruciales des organisations et des activistes au Cameroun et dans la diaspora se multiplient et aboutissent à des résultats probants. C’est ainsi qu’il y a quelques semaines seulement, le conseil d’administration de la Fondation du patrimoine culturel prussien en Allemagne a accepté le retour de la célèbre statuette Ngonnso spoliée à la communauté Nso.
C’est dire que la dynamique du retour est irréversible cette fois, le peuple camerounais ayant pris conscience du fait que l’absence des objets patrimoniaux a porté atteinte depuis des lustres à son identité et à sa culture. Toutefois, les différentes initiatives devraient être encouragées et boostées par des signaux forts et des actes concrets venant des hautes sphères du pays, notamment lors d’occasions particulières afin de garder le cap et de maintenir l’élan pris.
Saisir Une Opportunité Unique Pour Crédibiliser les Initiatives Annoncées
Avec un acte fort de restitution d’objets pillés, la rencontre prochaine au sommet entre les présidents du Cameroun et de la France apparaîtrait comme un moment notable pour les Camerounais désormais engagés dans une quête inextinguible de leur patrimoine essentiel après de nombreuses décennies de séparation, d’absence et d’arrachement.
Même si à l’occasion de la visite du président Macron, une restitution d’objets cultuels ou d’attributs royaux camerounais ne serait que symbolique, elle aurait au moins le mérite de montrer que les lignes bougent sur le plan officiel.
Ne pas se saisir de part et d’autre de cet événement pour agir de façon déterminante sur le rapatriement des richesses patrimoniales camerounaises serait une regrettable occasion manquée pour les deux pays en ce moment précis.