Je l’avoue.
J’ai toujours été fasciné autant par les œuvres que les auteurs et les autrices au point de me demander parfois ce qui m’a initialement le plus enchanté dans la littérature.
Les grands auteurs sont auréolés d’un mystérieux halo qui pousse à vouloir en savoir toujours plus sur leur vie. Cette curiosité est encore plus prégnante lorsqu’on aime les écrits de l’illustre personne.
Avant de commencer à rédiger des nouvelles, j’ai découvert le plaisir de ce genre chez de grands auteurs, chacun avec sa particularité, son univers.
Je ne pourrai évoquer les nouvelles ou les recueils qui m’ont marqué il y a quelques années déjà sans penser aux auteurs et parfois aux contextes des lectures.
Sévérin Cécil Abéga
« Du haut de son baccalauréat, Dany toisa le village… » Voilà le bout de phrase qui me vient invariablement à l’esprit lorsque je souviens de la lecture au collège Vogt du recueil de nouvelles de Séverin Cécil Abéga intitulé ‘Les bimanes’. L’extrait est celui de la nouvelle intitulée « Dans la forêt ».
Aujourd’hui, comme mes camarades de l’époque, je peux me représenter notre prof de français, un frère canadien avec qui nous étudiions l’œuvre. Au moment de lire ou de commenter le texte, le religieux ajustait ses lunettes, levait le bras haut de manière à bien nous montrer à partir de quelle hauteur le nouveau bachelier arrivait dans son village.
De nombreuses années après cette lecture scolaire des Bimanes et des relectures en dehors du cadre des études, j’ai eu l’occasion d’apercevoir souvent l’auteur à l’Université Catholique d’Afrique Centrale où je m’étais inscrit pour préparer un master en Développement et Management des Projets (bon, nous disions DESS à l’époque, et nous nous prenions bien au sérieux vu que nous devions aller dans les villages promouvoir le développement… du haut de notre diplôme…)
Passant ou repassant devant une salle de cours, je voyais le professeur entretenir ses étudiants le plus sérieusement du monde. Quant à moi, je guettais vers la salle, l’oreille à l’affût d’une blague, d’une histoire drôle de la même veine que celles que j’avais lues et relues dans le fameux recueil de nouvelles. Au bout de six mois passés à Nkolbisson, je dus m’en aller hélas sans avoir demandé à l’icône des lettres l’un de ses secrets pour devenir moi aussi un virtuose de l’humour.
J’ai adoré : ‘Dans la forêt’ du recueil Les bimanes
Isaac Bachevis Singer
J’ai découvert cet auteur pendant mes études à l’Université de Yaoundé 2 à Soa (non, ce n’était pas des études littéraires). À côté des enseignements fascinants des profs Georges Ngango en micro-économie ou Touna Mama en histoire de la pensée économique, j’avais décidé de m’intéresser à des écrivains renommés qui avaient publié des recueils de nouvelles.
Entre les différents centres culturels de la ville de Yaoundé et les librairies du poteau, je tombai assez vite sur le recueil ‘Yentl et autres nouvelles’ d’Isaac Bachevis Singer. Ce fut une plongée dans un monde captivant. Comme beaucoup de recueils de nouvelles, le livre n’était pas bien volumineux, mais je pense bien avoir faussé compagnie à mes camarades un midi au moment d’aller manger notre traditionnel plat d’okock dans l’un des nombreux tournedos en face du campus.
J’avais sous les yeux et dans la tête un univers complet avec ses codes et ses rites, ses superstitions, et comme dans toute société, des individus particuliers qui essayaient de se frayer leur chemin, d’écrire leur propre histoire et d’échapper à l’emprise de la société.
Ce n’était pas à l’époque du tout Internet avec la possibilité de googliser en un clic. Mais je me débrouillai bien pour trouver d’autres informations sur l’auteur Isaac Bashevis Singer, un Juif polonais qui avait ensuite émigré aux Etats Unis.
Il me plut en tout cas d’entrer dans ce monde bien part dans l’espace et dans le temps, présenté par un auteur plein de finesse.
J’ai adoré : Yentl dans le recueil ‘Yentl et autres histoires’
Ernest Hemingway
Une des choses les plus frappantes pour moi lorsque je me mis à lire les nouvelles d’Hemingway, ce fut un sentiment de proximité avec certaines histoires.
Je pouvais transposer quelques scènes dans des lieux que je connaissais bien. Dans certains décors, le soleil, ses rayons drus et l’embrasement qui en résultait pouvait tout aussi me rappeler un quartier de Yaoundé en plein midi. Au fil des pages, le style paraissait simple et précis et, grâce aux dialogues notamment, les personnages demeuraient vivants tout au long des histoires.
Hemingway a appliqué sa fameuse théorie de l’iceberg à ses écrits, aux nouvelles en particulier. Dans une histoire donc, on ne verrait à la surface que dix pour-cent de ce qui se passe. Tout le reste est omis et le lecteur devine ce qui n’est pas visible. Chez Hemingway, même avec cette économie de mots, les personnages, les paysages et les situations restent vivants et tout cela continue à s’animer en nous, même après la lecture.
Lorsque j’ai commencé à écrire mes premières nouvelles à l’Université de Soa, j’avais sur ma table de travail les dix conseils d’Hemingway aux jeunes écrivains. Avec le temps, je pense que j’y ai trouvé un encouragement à continuer à lire et à écrire.
J’ai adoré : ‘Les tueurs’ dans le recueil Hommes sans femmes
Évidemment, il y a d’autres auteurs de nouvelles qui m’ont bien captivé à l’instar d’Anton Tchekhov et Raymond Carver, ce dernier étant lui-même un fervent admirateur du premier. Car c’est bien là la petite magie de la littérature. On entre dans l’œuvre d’un auteur puis on en découvre beaucoup d’autres dans une espèce de joyeux labyrinthe. Le narrateur du récit ‘La bibliothèque de Babel’ du grand nouvelliste Jorge Luis Borges ne dit-il pas : « J’affirme que la bibliothèque est interminable » ?